Textes antiques, réécritures et numérique

© Maria Guta et Lauren Huret

Si les outils numériques multiplient les interprétations possibles des textes antiques, que leur apportent-ils comme potentiels dramaturgique, performatif et mémoriel ?

Le spectacle Lavinia est une adaptation du roman éponyme d’Ursula K Le Guin, autrice prolifique de science-fiction, qui propose ici un récit inspiré de l’Énéide de Virgile. Lavinia, princesse étrusque, femme d’Enée avec qui elle fondera Lavinium (future Rome), est un personnage marginal chez Virgile. À travers son roman, l’écrivaine propose non seulement une réécriture de l’épopée antique du point de vue de l’une de ses personnages secondaires, mais également un complément à une histoire inachevée.

Isis Fahmy et Benoît Renaudin, qui portent le texte de Le Guin à la scène, réécrivent à leur tour l’Énéide, en s’appuyant sur la motion capture et l’illustration pour imaginer et mettre en scène l’avatar numérique de Lavinia, et donner vie à son histoire. Si on part du principe que l’Énéide de Virgile est déjà une relecture de L’Iliade et l’Odyssée d’Homère, les couches d’écriture se superposent.

Rendant tour à tour hommage à la tradition littéraire grecque qui consiste à écrire à partir de ce qu’on a lu, les auteuricexs et metteurexs en scène ici présentexs continuent à faire vivre les textes antiques qui ont fait date. Mais par quel truchement Ursula K. Le Guin, spécialiste de science fiction et de fantasy, et féministe engagée, assure-t-elle à Lavinia une existence si profondément touchante aujourd’hui ? De la même manière, de quelle façon la présence numérique sur scène d’une princesse antique semble-t-elle réparer, plusieurs siècles après, ce que les poètes des grandes épopées ont manifestement négligé, et par là-même, nos liens à leurs récits ?